Appels à propositions : Résidence Instagram + Jeune tête d’affiche. Date limite le 15 avril.

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© Nada El-Omari, Yaffa (2019).

 
 
 

Land Back : De la Palestine à l’Ile de la Tortue

Le 27 février 2025 à 19 h
Évènement Facebook

Les places sont limitées et l'entrée se fera sur le principe du premier arrivé, premier servi. La projection débute à 19 h précise, merci d'arriver quelques minutes à l’avance!

Pour la série dv_vd, Vidéographe et Dazibao ont invité les commissaires Farah Atoui et Muhammad Nour ElKhairy à présenter un programme d'œuvres. 

L’idée de territoire est essentielle à la compréhension des intentions qui motivent le génocide commis par l’état israélien. Pour ce faire, nous devons rompre avec notre perception occidentale du territoire, du lieu et de la propriété. Car pour les Palestiniens, comme pour tous les peuples autochtones, le territoire ne désigne pas le lieu où ils vivent; le territoire est l’essence même de leur identité. Cela crée un conflit inhérent entre Israël qui cherche à l’acquérir, et les Palestiniens pour qui il fait partie intégrante de leur existence. C’est là que se situe ce qui oriente l’État colonisateur vers la nécessité d’éliminer les Autochtones. Voilà pourquoi les déplacements, la dépossession, la destruction culturelle, la dévastation de la souveraineté alimentaire – qui constituent manifestement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en eux-mêmes – doivent également être reconnus comme étant destinés à supprimer l’appartenance culturelle et à détruire le lien des Palestiniens à la terre.
— Francesca Albanese, 20 novembre 2024, School of Oriental and African Studies, University of London

Land Back réunit un puissant ensemble de voix d’artistes palestiniens et autochtones qui, par l’entremise de leurs œuvres vidéo et cinématographiques expérimentales, confrontent la violence systémique de la dépossession coloniale, du déplacement et de l’anéantissement culturel, tout en revendiquant leurs relations continues avec leurs terres ancestrales. LAND BACK n’est pas une métaphore; c’est un appel à la justice et à la libération ancré dans la décolonisation. Pour les Palestiniens, c’est une revendication du droit au retour des et sur leurs terres ancestrales, à l’égalité et à l’autodétermination à travers le démantèlement de l’occupation israélienne et à l’apartheid, du fleuve à la mer. Pour les peuples autochtones de l’Ile de la Tortue, c’est un appel à la restitution de la souveraineté et de la gestion des terres, fondé sur leurs responsabilités sacrées de prendre soin de leurs territoires et de les préserver. En situant ces luttes dans un cadre commun et en juxtaposant les histoires imbriquées et interconnectées du colonialisme de peuplement et de la résistance en Palestine et sur l’Ile de la Tortue, Land Back met en évidence les revendications communes liées à la terre des Palestiniens et des peuples autochtones, tout en reconnaissant leurs contextes culturels et historiques distincts.

Les œuvres présentées dans le cadre de ce programme explorent les liens profonds entre la terre, l’identité et la présence historique, soulignant qu’une revendication matérielle du territoire est fondamentale dans les luttes anticoloniales. Par le truchement de diverses approches esthétiques – expérimentant avec du texte, des images numériques, des documents d’archives et des photographies, et mobilisant le pouvoir de la poésie et de l’imagerie poétique – ces interventions artistiques proposent des contre-récits dévoilant au grand jour la fiction et les mythes qui sous-tendent les projets coloniaux. S’appuyant sur des expériences vécues et incarnées, puis sur des histoires orales de déplacement et d’exil, ces films se veulent des témoignages qui révèlent la violence des projets coloniaux et du contrôle des frontières, lesquels desseins assimilent le territoire à la carte géographique et tentent de dissocier les pratiques personnelles, culturelles et spirituelles profondément enracinées des personnes qui l’habitent.

La vidéo minimaliste et textuelle réalisée par Muhammad Nour ElKhairy, I Would Like to Visit (2017), s’inspire de son expérience vécue pour exposer la nature oppressive des régimes coloniaux de contrôle des frontières, qui non seulement restreignent la mobilité des Palestiniens, mais rendent également presque impossible la perspective de visiter ou de retourner dans leur pays d’origine. En parallèle, ElKhairy examine avec un regard critique la nature périlleuse du déplacement des Palestiniens vers le Canada, où la recherche d’un refuge et du droit à la mobilité le positionne comme un colon sur des terres autochtones.

Le poème expérimental Canada Park (2020) de Razan Al Salah explore également l’impact du colonialisme de peuplement sur l’identité et la mobilité palestiniennes. En franchissant numériquement les frontières coloniales à partir de Google Street View, Al Salah met en scène un retour improbable en Palestine, où sa présence spectrale plane au-dessus du parc Ayalon-Canada. Ce parc, érigé sur les ruines de villages palestiniens détruits par l’occupation israélienne en 1967 et financé en partie par des contributions du Fonds national juif du Canada, souligne les liens entre les projets coloniaux de peuplement en Palestine et l’ile de la Tortue. En situant leurs récits dans le contexte canadien, les œuvres d’ElKhairy et d’AlSalah ouvrent un espace de réflexion critique sur la solidarité et la résistance commune contre les structures et les projets coloniaux.

L’œuvre untitled part 3b: (as if) beauty never ends... (2000) de Jayce Salloum dépeint l’histoire de la destruction et de l’effacement coloniaux à travers la perspective d’une maison palestinienne réduite en ruines par les forces d’occupation israéliennes en 1967. Cette histoire est narrée de manière poétique avec la voix du propriétaire, lequel a été déplacé de Palestine vers un camp de réfugiés au Liban. Dans la vidéo expérimentale de Salloum, des images abstraites – des orchidées en fleurs, des nuages ​​défilants, de l’eau qui coule – sont superposées à du métrage brut des massacres des camps de réfugiés de Sabra et de Chatila en 1982, et ce, afin de lever le voile sur la réalité poignante du déplacement vers le Liban. Cette juxtaposition, qui crée une confrontation profondément troublante à la violence et à sa représentation, propose un langage visuel alternatif pour appréhender les images du génocide et des atrocités qui se sont déroulées tout au long de l’histoire et continuent de se produire aujourd’hui en Palestine et au Liban.

The Violence of a Civilization Without Secrets (2017) réalisée par Adam Khalil, Zack Khalil et Jackson Polys, constitue également une expérience visuelle troublante. Cette vidéo adopte une approche narrative expérimentale pour mettre en lumière le rôle central qu’ont joué les pratiques archéologiques et les institutions muséales dans l’anéantissement des histoires autochtones et la fabrication de récits coloniaux de découverte et de propriété. En se concentrant sur le cas controversé de l’homme de Kennewick – des restes squelettiques vieux de 9 000 ans trouvés dans le sol du bassin du Columbia – les cinéastes se questionnent à savoir comment le pouvoir colonial fait l’usage de disciplines scientifiques comme arme pour réfuter les revendications autochtones relatives à l’ascendance et au territoire. Ici, le sol incarne un profond sentiment d’appartenance, ancrant les communautés autochtones dans un lieu qui demeure au cœur de leur identité et de leur histoire, profondément enraciné dans la terre elle-même.

Dans Something from there (2020) de Rana Nazzal Hamadeh, la terre devient un support pour raconter l’histoire intime d’un exilé de Palestine au Canada. Tissé à partir d’entretiens avec ses parents et de photos de famille, le film explore la pratique poignante du don de terre de Palestine à ceux et celles qui vivent en exil – un geste qui sert à la fois de lien symbolique et matériel avec la terre qu’ils ont été forcés de quitter et vers laquelle il est souvent impossible de retourner. Cette pratique transcende son symbolisme et sa matérialité, devenant un puissant acte de résistance qui démontre le lien durable et les droits des Palestiniens envers leur patrie, malgré les déplacements intergénérationnels. Comme le dit avec émotion Rehab Nazzal, la mère de Hamadeh, dans Something from there, « la terre est la source de la vie; elle est la vie; elle signifie la vie ».

Faisant écho au travail de Hamadeh, le film expérimental de Nada El-Omari, Yaffa (2019), superpose et surimpressionne avec complexité diverses séquences pour créer un portrait texturé d’un voyage intergénérationnel de déplacement et du souvenir immuable d’une patrie. Par l’entremise d’une narration poétique présentée comme une lettre à son grand-père – déplacé de Yaffa au Canada – El-Omari explore ses « histoires murmurées d’une mer en sang », qui ont profondément façonné son identité, sa mémoire et son lien profond avec la terre et la mer desquelles il a été arraché.

Les trois courts métrages d’Alanis Obomsawin, Wild Rice Harvest Kenora (1979), Farming (1975) et Xusum (1975), mettent en lumière le lien profond qu’entretiennent la nation líl̓wat et le peuple anishinaabe avec leur terre en tant que source vitale de subsistance, de culture et de communauté. Ces films se penchent sur les pratiques communautaires de récolte, d’agriculture et de préparation des aliments, les présentant comme essentielles à l’identité autochtone. Ils soulignent également le rôle crucial que remplit la souveraineté alimentaire, non seulement en tant que moyen de subsistance, mais aussi à titre de nécessité pratique et politique liée à des luttes plus larges, notamment relativement au territoire, à la survie culturelle et à l’autodétermination.

Healing Moments (2023) de Rehab Nazzal se veut une incursion méditative au cœur des paysages de Cisjordanie, réalisée au moyen d’images sensorielles immersives qui mettent en relief la relation spirituelle que les Palestiniens entretiennent avec leur territoire. Elle souligne également la capacité de ce territoire à cultiver la détermination et la guérison malgré la segmentation violente à laquelle il a été soumis par l’entremise des points de contrôle israéliens et du mur de l’apartheid. Ensemble, ces deux œuvres relatent les liens réparateurs qui existent entre les peuples autochtones et leur terre, tout en évoquant les luttes qui perdurent au nom de la souveraineté et de l’appartenance.

Réalisé par TJ Cuthand, Reclamation (2018) agit à titre de conclusion prospective au programme, car il réoriente le récit des luttes du passé et du présent vers ce qui nous attend potentiellement. Ce film imagine un avenir post-dystopique au Canada, où des colons blancs privilégiés ont abandonné la Terre pour Mars, laissant derrière eux une planète dévastée par le colonialisme et le capitalisme. En leur absence, les peuples autochtones se réapproprient le territoire, s’efforçant de restaurer sa vitalité et de guérir les profondes cicatrices infligées par les systèmes coloniaux. Le récit spéculatif de Cuthand met l’accent sur le lien pérenne avec la terre comme source de résilience et de renouveau, tout en concevant un avenir façonné par la décolonisation et la restauration de l’environnement.

Land Back fait valoir les luttes incessantes des peuples autochtones pour leur souveraineté, de la Palestine à l’ile de la Tortue, et met l’accent sur les liens profonds et durables qui les unissent à leurs terres d’origine à travers les générations et la géographie. Ce programme de projection représente une occasion de réfléchir à l’interconnexion des luttes anticoloniales et à l’urgence de créer des projets de solidarité transnationale face aux effets destructeurs et aux répercussions violentes de la colonisation. Il s’agit également d’une invitation à envisager un avenir plus juste et plus prometteur, où la terre ne serait plus une ressource ou une propriété exploitable, mais bien une entité vivante qui soutiendrait culturellement et matériellement l’identité et l’existence des Autochtones. Elle constituerait ainsi le gisement de leurs récits, de leurs connaissances, de leurs pratiques communautaires et de leurs traditions culturelles, portant l’héritage des ancêtres et assurant leur survie.

— Farah Atoui et Muhammad Nour ElKhairy


Programme — 76 minutes

Muhammad Nour ElKhairy, I Would Like to Visit (2017) — 4 min. 25 sec.

Razan Al Salah, Canada Park (2020) — 8 min. 4 sec.

Jayce Salloum, untitled part 3b: (as if) beauty never ends... (2000) — 11 min. 34 sec.

Jackson Polys, Zack Khalil, Adam Khalil, The Violence of a Civilization Without Secrets (2017) — 9 min. 45 sec.

Rana Nazzal Hamadeh, Something from there (2020) — 7 min.

Nada El-Omari, Yaffa (2019) — 7 min.

Alanis Obomsawin, Wild Rice Harvest Kenora (1979) — 1 min.

Alanis Obomsawin, Farming (1975) — 1 min.

Rehab Nazzal, Healing Moments (2023) — 8 min. 28 sec.

Alanis Obomsawin, Xusum (1975) — 4 min.

TJ Cuthand, Reclamation (2018) — 13 min.


Farah Atoui est professeure adjointe au département d’études cinématographiques et d’images en mouvement de l’École de cinéma Mel Hoppenheim de l’Université Concordia. Elle est organisatrice culturelle et professionnelle des médias, spécialisée dans le cinéma contemporain, la vidéo et la culture visuelle, mettant l’accent sur les pratiques de l’image en mouvement du monde arabe. La pratique d’Atoui explore les interventions artistiques produites dans des conditions de lutte et de contrainte – guerre, occupation, colonisation, crise, déplacement – ​​à la fois comme outils et espaces de résistance, ainsi que comme lieux de production de connaissances critiques qui redynamisent la solidarité et les imaginaires entourant la décolonisation. Elle est titulaire d’un doctorat en communication de l’Université McGill, où ses recherches doctorales ont porté sur les documentaires expérimentaux syriens post-2011 en tant que contre-visualisations au régime de représentation de la « crise » des réfugiés. Elle est commissaire d’exposition et programmatrice de films indépendante, et membre des collectifs de projection Regards palestiniens et Regards syriens.

Muhammad Nour Elkhairy est un cinéaste, vidéaste et programmateur de films palestinien originaire de Jordanie qui vit actuellement à Tiohtià:ke (Montréal). ElKhairy est titulaire d’une maitrise en beaux-arts en production cinématographique de l’Université Concordia. Ses œuvres vidéo expérimentales de fiction et de non-fiction se penchent particulièrement sur l’héritage du pouvoir colonial, politique et économique. Son travail est intrinsèquement lié au désir de mettre en valeur l’écran non seulement en tant qu’appareil idéologique, mais aussi comme une surface sur laquelle le moi joué existe entre l’intériorité du personnel et l’extériorité du sociopolitique. Son travail a été présenté dans plusieurs galeries d’art et festivals de cinéma internationaux, notamment le Berwick Film & Media Arts Festival, le Kaunas International Film Festival, le Toronto Palestine Film Festival et la Galerie Leonard & Bina Ellen.

 
 



 

Dazibao remercie les commissaires, les artistes et Vidéographe pour leur généreuse collaboration ainsi que son comité consultatif pour son soutien.

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